Entrez dans une salle de méditation zen, un zendo , et vous pourriez y découvrir une scène de profond silence. Des personnes chantent parfois ensemble à un rythme régulier, emplissant la pièce de sons vibrants.
Pour les nouveaux venus, cela peut être déroutant. Quel est le but du chant bouddhiste zen ?
Soyons clairs dès le départ : dans le Zen, chanter n’est pas une prière. Ce n’est pas un culte rendu à un dieu extérieur ni une demande d’aide divine, mais quelque chose de bien plus direct.
Le chant est un puissant moyen de pratiquer la pleine conscience. Il concentre l'esprit, renforce l'unité avec les autres et nous permet d'expérimenter la sagesse ancestrale à travers notre propre corps.
Le triple objectif
Pourquoi donnons-nous la parole au silence ? Cette pratique a des raisons profondes qui s'accordent avec la méditation silencieuse.
C'est un outil pour entraîner l'esprit.
1. Pour rassembler l'esprit
L'esprit humain vagabonde en permanence. En méditation silencieuse, ou zazen , nous utilisons la respiration pour rester présent.
Le chant fonctionne de la même manière. Le rythme donne à l'esprit du singe un point précis sur lequel se concentrer, comme accorder un instrument.
Cet effort ciblé fait plusieurs choses :
* Il réduit les pensées distrayantes
* Il crée un point de conscience stable
* Il renforce le calme mental et la clarté
2. Pour résonner avec la Sangha
Chanter seul est puissant. Chanter en groupe vous transforme.
Lorsque nous chantons ensemble, nos voix fusionnent. On ressent sa propre voix et celle de ceux qui nous entourent.
Un changement subtil se produit. Le sentiment d'un « moi » distinct commence à s'estomper, remplacé par la simple expérience du « chant qui se produit ».
La partie consciente de vous-même se dissout dans le son plus large, créant un profond sentiment d'harmonie.
3. Incarner le Dharma
C'est peut-être l'aspect le plus important. Les sutras zen contiennent des enseignements profonds ( Dharma ).
Les lire permet une compréhension intellectuelle. Les chanter est différent.
Il permet aux enseignements de pénétrer votre être par l'acte physique de produire un son. La vibration devient un véhicule de sagesse, dépassant votre esprit pensant pour être ressentie dans tout votre corps.
Comme l'a suggéré le maître zen Thich Nhat Hanh :
« Lorsque vous chantez, vous ne priez pas un Bouddha, vous vous exercez à être un Bouddha. Vous incarnez les qualités de pleine conscience, de concentration et de perspicacité. »
Par le chant, nous n’apprenons pas seulement la sagesse ; nous lui donnons notre souffle et notre voix.
Chant, prière et mantra
Beaucoup de gens considèrent toute parole spirituelle comme une prière. Il est important de comprendre les différences.
Le but du chant bouddhiste zen le distingue de la prière et de la répétition de mantras. Cela explique l'objectif unique du zen : entraîner l'esprit, et non solliciter l'aide d'une puissance supérieure.
Fonctionnalité | Chant zen | Prière (théiste) | Répétition du mantra (védique/vajrayana) |
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Objectif principal | Concentration mentale, harmonie de groupe, incarnation de la sagesse. | Communication avec/pétition d'une divinité. | Invocation d’énergies ou de divinités spécifiques ; protection spirituelle. |
Sens du flux | Vers l'intérieur et vers l'extérieur : se concentrer sur soi, entrer en résonance avec le groupe. | Vers l'extérieur : Diriger l'intention/les demandes vers un être extérieur. | Varie : Peut être une concentration intérieure ou une invocation extérieure. |
Rôle du sens | Le sens est important (incarner le sutra), mais le son lui-même est un outil. | Le sens des mots (la demande/la louange) est primordial. | Le son/la vibration ( shabda ) est souvent considéré comme le pouvoir lui-même. |
Résultat attendu | Augmentation de la pleine conscience, du calme, de la perspicacité, du sentiment de connexion. | Une réponse, une intervention ou une grâce de la divinité. | Réalisation d'un état spécifique, siddhi (pouvoir) ou connexion divine. |
Expliquer la distinction
Dans le chant zen, la fonction principale est psychologique et expérientielle. Cette pratique aide à amener l'esprit à un état de calme et de clarté et à se sentir connecté aux autres et aux enseignements.
La prière théiste, courante dans des religions comme le christianisme, est une question de relation et de demande. Elle s'étend de vous-même vers un Dieu distinct, et le sens des mots importe avant tout.
La pratique des mantras, issue des traditions védiques ou tibétaines, utilise le son différemment. Un mantra est souvent perçu comme la forme sonore d'une divinité ou d'une énergie, et sa répétition invoque cette qualité ou ce pouvoir.
Le chant zen est une pratique unique de réalisation de soi à travers le son.
Une porte vers la sagesse
Examinons l'un des chants les plus importants du Zen : le Sutra du Cœur, ou Hannya Shingyō en japonais. Ce court texte renferme une profonde philosophie bouddhiste.
Qu'est-ce que le Sutra du Cœur ?
Le Sutra du Cœur est valorisé dans de nombreuses écoles bouddhistes, mais occupe une place particulière dans le Zen. Il exprime l'idée de vacuité ( śūnyatā ) avec clarté et force.
Son thème principal est la liberté que procure une vision claire de la réalité. Cette prise de conscience implique de comprendre que toutes choses, y compris notre perception de soi, n'ont pas d'existence distincte et permanente.
En voyant cette nature vide et interconnectée, le Bodhisattva de la Compassion est libéré de la souffrance. Réciter le sutra nous aide à pratiquer cette réalisation.
Le Sutra du Cœur (Sôtô Zen)
Voici le début du Sutra du Cœur en japonais, tel que chanté dans le Zen Soto. Les barres obliques (/) indiquent les pauses qui aident à maintenir le rythme.
MA KA HAN NYA HA RA MI TA SHIN GYO /
KAN JI ZAI BO SA / GYO JIN HAN NYA HA RA MI TA JI /
SHO KEN GO ON KAI KU / DO EST SAI KU YAKU /
SHA RI SHI / SHIKI FU I KU / KU FU I SHIKI /
SHIKI SOKU ZE KU / KU SOKU ZE SHIKI /
JU SO GYO SHIKI / YAKU BU NYO ZE /
SHA RI SHI / ZE SHO HO KU SO /
FU SHO FU METSU / FU KU FU JO / FU ZO FU GEN /
Comprendre le chant
Une traduction mot à mot peut être complexe. Elle permet de mieux comprendre le sens des premières lignes clés.
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Kan ji zai bo sa... : "Le Bodhisattva de la vraie liberté et de la compassion..." Ceci présente Avalokiteshvara, qui a cette profonde intuition.
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...gyo jin han nya ha ra mi ta ji... : "...pratiquer la Prajna Paramita profonde (la perfection de la sagesse)..." Cela nous dit comment la compréhension est venue : par une pratique profonde, et non par la croyance.
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...sho ken go on kai ku... : « ...j'ai clairement vu que les cinq agrégats sont tous vides... » C'est la compréhension fondamentale. Les cinq agrégats (forme, sentiment, perception, formations, conscience) constituent notre sens du « soi ». Aucun n'a d'existence solide et indépendante.
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...do is sai ku yaku. : « …et fut libéré de toute souffrance et de toute détresse. » Voici le résultat : la liberté vient de la vision claire.
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Sha ri shi / shiki fu i ku / ku fu i shiki... : « Ô Shariputra, la forme n'est pas différente de la vacuité, la vacuité n'est pas différente de la forme. » Ce vers célèbre explique directement à l'un des disciples de Bouddha la nature non duelle de la réalité. Les choses existent, mais leur existence est relationnelle et fluide.
Apporter la pratique à la maison
Lire sur le chant est une chose. Le pratiquer est une autre façon d'apprendre.
Essayez-le vous-même pour comprendre ses effets. Voici quelques étapes simples pour votre première séance de chant solo.
Cela n'a pas besoin d'être effrayant. L'objectif n'est pas une performance parfaite, mais une présence sonore.
Préparer le terrain
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Trouvez un endroit calme : choisissez un endroit où vous ne serez pas dérangé pendant 5 à 10 minutes. Il faut simplement que ce soit calme.
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Adoptez une posture confortable : asseyez-vous sur un coussin ou une chaise. Gardez la colonne vertébrale droite mais détendue pour que votre respiration puisse circuler librement.
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Fixez-vous une intention : il ne s’agit pas d’un objectif précis. Votre intention pourrait simplement être : « Être présent au son » ou « Passer quelques instants au calme ».
La pratique elle-même
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Prenez quelques respirations profondes : avant de commencer, prenez trois respirations lentes et profondes. Relâchez les tensions.
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Commencez à chanter : utilisez le texte du Sutra du Cœur fourni précédemment. Si vous hésitez sur la mélodie ou le rythme, recherchez « chant Hannya Shingyo » en ligne pour des extraits audio.
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Concentrez-vous sur la vibration : c'est la clé. Soyez attentif à la sensation physique du chant dans votre gorge et votre poitrine. Lorsque votre esprit s'égare, ramenez-le doucement à la sensation du son.
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Conclure en silence : après avoir chanté, asseyez-vous tranquillement une minute ou deux. Observez tout changement dans votre état mental ou vos sensations corporelles.
Une note pour les débutants
Au début, vous vous sentirez probablement mal à l'aise. Votre voix pourrait être brisée ou faible. Vous pourriez vous sentir gêné, même seul.
C'est tout à fait normal. La pratique ne consiste pas à avoir une belle voix, mais à utiliser la voix que l'on a. La valeur réside dans l'effort doux et constant de s'investir pleinement dans la pratique.
Le son de l'éveil
En fin de compte, le chant du bouddhisme zen n'est pas un rituel mystérieux. C'est une pratique sophistiquée et profondément humaine.
Il ne s'agit pas d'une prière à une force extérieure, mais d'une méthode d'entraînement de l'esprit. Elle aide à dissiper l'illusion d'un soi séparé et incarne directement la sagesse ancestrale.
Le chant complète parfaitement la pratique du silence. Chant et zazen fonctionnent ensemble comme les deux ailes d'un même oiseau, nous transportant vers la clarté et la paix.
La véritable nature de cette pratique ne peut être pleinement décrite par des mots. Elle doit être vécue. La seule façon de vraiment comprendre le chant est de le pratiquer.