L'artiste philosophique
Qui était Alan Watts ?
Pour comprendre l'histoire du Zen en Occident, il faut d'abord comprendre Alan Watts. Philosophe, écrivain et orateur britannique doté d'un talent particulier, il a été professeur de philosophie à l'Université de Londres.
Son travail principal était d’être un pont.
Watts s'est approprié les idées complexes de la pensée orientale, notamment le bouddhisme zen d'Alan Watts, et les a exprimées en des termes compréhensibles par les esprits occidentaux. À sa manière, il était un « amuseur philosophique ».
La thèse fondamentale
Watts a contribué à ouvrir une porte jusque-là largement fermée au public. Il n'était cependant pas le maître incontesté de son enseignement.
Nous examinerons comment il a popularisé le zen. Nous aborderons également les critiques justes de son œuvre, offrant ainsi des pistes claires pour valoriser son œuvre aujourd'hui.
La Grande Contribution
Traduire le mysticisme
Watts excellait à établir des ponts entre les idées. Il s'appuyait sur des concepts occidentaux comme la psychologie, la philosophie et la pensée chrétienne pour expliquer les concepts zen.
Il a expliqué le « vide » non pas comme un vide effrayant, mais comme la liberté d'un soi figé. Cela a aidé les Occidentaux inquiets du néant à le percevoir sous un nouveau jour.
De même, il ne présentait pas l'« illumination » comme un objectif lointain, mais comme une prise de conscience soudaine de ce qui est déjà vrai – un « accident contrôlé ».
« La voie du Zen »
Son livre de 1957, « La Voie du Zen », démontre l'efficacité de sa méthode. Elle est devenue une porte d'entrée pour des millions de personnes.
Le livre est sorti à un moment où de nombreux jeunes Américains étaient à la recherche de nouvelles idées spirituelles, et le moment était parfait.
Le livre était très facile à comprendre. La première partie retrace l'histoire du zen, en commençant par le bouddhisme indien et le taoïsme chinois. Cela a fourni aux lecteurs le contexte nécessaire.
La deuxième partie explique ensuite le fonctionnement du Zen, de la méditation à l'art. Pour de nombreux Occidentaux, ce fut leur premier aperçu clair du Zen, sans être trop académique ni trop étrange.
L'expérience vécue plutôt que le dogme
Watts a toujours éloigné les gens des règles strictes et des rituels complexes. Il a présenté le zen comme un mode de vie, et non comme un simple ensemble de croyances.
Il a souligné que le cœur de la pratique n’était pas d’atteindre un état particulier, mais de vivre pleinement le moment présent.
Sa célèbre citation le dit bien : « Le Zen ne confond pas la spiritualité avec le fait de penser à Dieu pendant que l'on épluche des pommes de terre. La spiritualité Zen consiste simplement à éplucher des pommes de terre. »
Cette focalisation sur l’expérience directe était nouvelle pour les Occidentaux qui pensaient que la spiritualité était une question d’idées abstraites.
Le coin des critiques
Le débat sur l'authenticité
La principale critique adressée à Watts concerne son authenticité. Il n'était pas un maître zen officiel et n'avait reçu aucune formation formelle.
En fait, Watts évitait souvent de se qualifier de « bouddhiste », préférant être considéré comme un explorateur d’idées.
Du point de vue des écoles zen traditionnelles, cela est très important. La pratique zen repose sur la méditation assise et l'apprentissage direct auprès d'un maître.
Beaucoup remarquent que Watts minimisait souvent l'importance de cette discipline stricte. Sa version du Zen pouvait davantage ressembler à des idées de réflexion qu'à une voie à suivre.
Simplification excessive et romantisme
Cela nous amène à la deuxième critique principale : a-t-il rendu le Zen trop simple en essayant de le rendre facile à comprendre ?
Les critiques affirment que Watts a présenté une version romancée et « légère » du zen. Il a magnifiquement décrit l'état de fluidité sans effort, mais n'a pas suffisamment évoqué les années de pratique intensive nécessaires pour y parvenir.
C'est là tout le problème de la popularisation d'idées complexes. Pour les rendre facilement compréhensibles, il faut souvent supprimer les parties les plus complexes. Le résultat peut être inspirant, mais trompeur.
Culture et controverse
Enfin, l'histoire de Watts est liée à son époque et à sa vie personnelle. Son lien avec la contre-culture des années 1960 et ses problèmes d'alcool sont souvent invoqués pour remettre en question son autorité.
Il ne s'agit pas seulement d'une attaque personnelle contre lui. La question est de savoir si quelqu'un peut véritablement enseigner une voie de discipline sans vivre pleinement selon ses principes.
Pour beaucoup, cet écart entre la sagesse de ses discours et le chaos de sa vie personnelle reste une question centrale non résolue à propos d’Alan Watts.
Le grand livre équilibré
Peser la balance
Pour juger équitablement le rôle d'Alan Watts, il faut examiner à la fois ses contributions et les critiques qui lui ont été adressées. Ce sont souvent les deux faces d'une même médaille.
Ses plus grandes forces étaient étroitement liées à ses plus grandes faiblesses. Le tableau suivant illustre cet héritage complexe.
Contribution (Le Pont) | Critique (L'imperfection) |
---|---|
Accessibilité : Il a traduit des concepts complexes en termes occidentaux attrayants et compréhensibles. | Simplification excessive : En le rendant accessible, il a peut-être supprimé les parties difficiles de la pratique approfondie. |
Passerelle vers une étude plus approfondie : Son œuvre a inspiré des millions de personnes à explorer la philosophie orientale pour la première fois. | Point de départ trompeur : Certains affirment qu’il a créé une version « wattsienne » du Zen que les pratiquants doivent plus tard « désapprendre ». |
Se concentrer sur l’essence : Il a mis l’accent sur le cœur expérientiel et non dogmatique du Zen plutôt que sur les pièges culturels ou rituels. | Manque de rigueur disciplinaire : Il a minimisé le rôle crucial de la méditation soutenue et de la relation élève-maître. |
Impact culturel : Il a intégré les concepts de pleine conscience et de non-dualité dans le lexique culturel occidental. | « Divertissement spirituel » : Son style charismatique pouvait parfois éclipser le contenu, le rendant plus divertissant qu'instructif. |
Un guide moderne
Un pont, pas une destination
Alors, comment appréhender aujourd'hui l'œuvre d'Alan Watts ? La première règle est de le considérer comme un pont brillant, et non comme une destination finale.
Ses livres et conférences constituent un excellent point de départ. Ils visent à éveiller la curiosité, à remettre en question les idées reçues et à ouvrir la voie à une nouvelle vision du monde.
Utilisez son travail pour développer un intérêt, mais comprenez qu’il ne représente pas toute l’histoire.
Un état d'esprit « à la fois/et »
La deuxième règle est de lire avec un état d'esprit « à la fois/et ». On peut apprécier son génie poétique tout en s'interrogeant sur sa justesse.
À la première lecture de Watts, on pourrait apprécier son explication d'un concept comme « l'action sans effort ». Cela peut être très inspirant.
Plus tard, en étudiant des textes plus traditionnels, nous apprenons que le concept est plus complexe qu'il ne l'avait initialement suggéré. Watts en fournit l'introduction ; une étude plus approfondie en apporte les détails.
Associer à des sources primaires
Pour quiconque souhaite explorer le Zen au-delà de Watts, la troisième règle est essentielle : associer son travail à des sources plus traditionnelles.
Suivre un parcours de lecture peut permettre une compréhension équilibrée.
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1. Commencez par Watts : Commencez par La Voie du Zen . Appréciez-le pour sa présentation générale, son enthousiasme et son génie littéraire. Laissez-le vous ouvrir les portes.
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2. Passez aux figures fondatrices : explorez ensuite les travaux d'érudits comme D.T. Suzuki, en particulier « Une introduction au bouddhisme zen » . Watts s'est inspiré de Suzuki, et sa lecture vous révèle l'une de ses propres sources.
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3. Communiquez avec les maîtres zen : Enfin, tournez-vous vers les paroles des véritables maîtres zen qui ont fondé des centres de pratique en Occident. Des ouvrages comme « Zen Mind, Beginner's Mind » de Shunryu Suzuki ou « The Heart of the Buddha's Teaching » de Thich Nhat Hanh ancrent la philosophie dans la réalité de la méditation et de la pratique quotidienne.
Écho durable
Un héritage de curiosité
La spiritualité occidentale serait bien différente sans Alan Watts. Son rôle dans la popularisation du bouddhisme zen est indéniable.
Son héritage est empreint d'une tension fondamentale. C'était un communicateur hors pair dont la plus grande force – rendre le zen accessible – était aussi sa plus grande faiblesse – sa tendance à le simplifier à l'excès.
Le verdict final
Pour les Occidentaux curieux, Alan Watts reste l'une des introductions les plus captivantes au zen. Il suscite l'intérêt comme personne.
L'essentiel est de reconnaître que son œuvre est un début, et non une fin. Ce n'est pas le territoire en lui-même, mais une belle carte qui vous indique le chemin.